lundi 2 novembre 2009

Retour de Turin

A Turin, la semaine dernière, je suis allé dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste où est conservé le Saint-Suaire. Il n'est visible que lors des ostensions et la prochaine aura lieu l'an prochain, du 10 avril au 23 mai 2010. Toutefois on peut voir le coffre qui le contient et des reproductions photos à l'entrée de la cathédrale. On peut aussi visiter un petit musée, très intéressant et pas très éloigné, qui lui est consacré. La photo ci-dessous a été prise dans ce musée, où une reproduction grandeur nature est exposée dans l'ancien cadre qui servait aux ostensions.




L'ensemble des études scientifiques sur cet objet exceptionnel est présenté honnêtement. Et la question se pose évidemment de son authenticité, surtout depuis la datation au C14 de 1988, qui a donné un intervalle de datation entre 1260 et 1390.
.
Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet. Des contestations diverses de ce résultat ont été émises. Elles se contredisaient parfois. Un premier ensemble d'objections portait sur la qualité de l'échantillonnage, s'appuyant sur le fait que, des 3 laboratoires ayant fait la mesure, un donnait des résultats significativement différents des 2 autres. Toutefois, cela ne porte que sur une variation limitée. Un deuxième ensemble d'objections à la datation portait sur des événements arrivés au linceul ayant pu changer sa composition isotopique. Certains, comme le professeur Kouznetsov par exemple, ont suggéré une contamination en raison de l'incendie de 1532 à Chambéry. Mais il semble que ce ne puisse pas expliquer un rajeunissement de 1300 ans environ. En fait l'objection qui me semble la plus sérieuse me paraît celle qui met en jeu la formation de l'image: c'est par exemple l'hypothèse formulée par le père Jean-Baptiste Rinaudo, qui a fait des expérience de bombardement par des protons et des neutrons de tissus, a obtenu le double résultat d'un rajeunissement apparent avec la technique du C14 et un altération superficielle du tissu qui évoque celle de l'image du Saint-Suaire.
.
Enfin, 2 arguments d'ordre historique vont dans le sens d'une ancienneté plus grande du suaire: d'une part le Codex Pray, conservé à Budapest, reproduit des éléments du linceul et est daté du XIIème (milieu ou fin), d'autre part, des inscriptions autour du visage du Christ, mises en évidence par des physiciens d'Orsay, A. Marion et A.L. Courage, n'ont jamais été répertoriées, même par les clarisses après l'incendie de 1532; ceci suggère qu'elles n'étaient pas visibles à l'époque et étaient déjà très anciennes pour être aussi peu lisibles.
.
Il n'en demeure pas moins que l'énigme majeure du Saint-Suaire tient dans la formation de l'image superficielle sur le linge, alors que les traces de sang ont traversé celui-ci. Une chose est sûre, ce n'est pas une peinture, et l'image n'a pu être obtenue par contact avec un éventuel mannequin, du fait de la déformation qui en aurait résulté.
.
Un certain nombre de points me semblent à relever, qui ne nécessitent pas d'analyses approfondies. En fait 4 points me semblent immédiatement assez troublants sur cette image:
.
1) L'image est un négatif, ce qui a été découvert par la premier photographe du Linceul, Secondo Pia en 1898. Or cette image précède l'invention de la photographie de plusieurs siècles au moins.
.
2) Un poignet apparent sur l'image montre clairement le trou du clou dans le poignet, contrairement à toute l'iconographie chrétienne qui imagine les trous dans les paumes; il faut dire que la crucifixion a été abolie au 4ème siècle sous Constantin.
.
3) Les blessures autour de la tête montrent l'existence d'un casque d'épines, au lieu d'une couronne représentée par toute l'iconographie chrétienne encore une fois.
.
4) Enfin, le corps est représenté nu sur l'image. Et on peut légitimement penser que d'hypothétiques concepteurs médiévaux de l'image n'auraient jamais osé représenter nu le Christ.
.
En conclusion, en l'état actuel de ce que je connais du Saint-Suaire et en dépit de la mesure au C14 que je ne mets pas en cause, je suis convaincu de l'authenticité de celui-ci. Je pense qu'il est bien le linceul qui a enveloppé le Christ entre sa mort sur la Croix et sa résurrection d'entre les morts le matin de Pâques.
.
Mais ce que je pense n'est pas essentiel. Je voudrais, pour finir, mentionner le discours de Jean-Paul II lors de son voyage à Turin en 1998, un an après l'incendie de la chapelle de Guarini:
.
J'en cite un passage: "Ce qui compte surtout pour le croyant est que le Saint-Suaire est le miroir de l'Evangile. En effet, si l'image du Christ se reflète sur le Lin sacré, on ne peut faire abstraction de la considération que celle-ci a un rapport si profond avec ce que les Evangiles racontent de la Passion et de la mort de Jésus que tout homme sensible se sent intérieurement touché et ému en le contemplant. Celui qui s'en approche est également conscient que le Saint-Suaire n'arrête pas sur lui le coeur des personnes, mais renvoie à Celui au service duquel la Providence bienveillante du Père l'a placé."
.
Enfin, une référence intéressante et dépassionnée sur ce sujet: "Que penser du Suaire de Turin aujourd'hui?" par Philippe Quentin. Editions de l'Emmanuel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire